La taverne des rôlistes

Réflexion et analyse critique sur le JdR en général et sur des JdR particuliers

.

Les probabilités du monde des ténèbres

Dans cet article, nous présentons une analyse des probabilités de réussites à des jets avec les règles du premier (donc l’ancien) monde des ténèbres. Nous cherchons à savoir d’une part si ces probabilités nous paraissent réalistes et d’autre part ce qu’elles impliquent en termes de jeu pour le MJ, et d’optimisation pour le joueur.

Méthode

(Si vous êtes allergique aux maths, vous pouvez tout-à-fait passer ce passage pour vous rendre directement à la partie « Un exemple ».)

Rappelons rapidement le fonctionnement des jets dans le monde des ténèbres. Chaque personnage a un nombre de points dans chacune de ses caractéristiques qui détermine le nombre de dés qu’il jettera pour résoudre une action. Chaque action a un niveau de difficulté donné situé entre 2 et 10. On considère qu’une action est réussie lorsqu’au moins un dé jeté par le joueur a atteint un score supérieur ou égal à la difficulté. Par ailleurs, chaque dé faisant « 1 » supprime un succès. Il faut donc avoir plus de succès que de « 1 » pour réussir une action.

Nous avons commencé par définir mathématiquement la probabilité d’obtenir au moins un succès de plus que de « 1 » (c’est-à-dire la probabilité de réussir une action) en fonction de la difficulté du jet et du nombre de dés.
Cette probabilité « P » prend donc en compte la difficulté « D » ainsi que le nombre de dés « N » :
P = 2*(1-((D-1)/10)^N)-(1-((D-2)/10)^N)

A partir de cette formule, nous avons réalisé des tableaux de probabilités pour tous les cas de figures, ce que nous allons explorer dans la suite de cet exposé.

Un exemple

Changer une roue est considéré comme étant une action de difficulté 4 (source : Loup-Garou : l’Apocalypse). Si un type a un niveau moyen d’astuce (2 points) et est novice en mécanique (1 point), il va devoir pour changer cette roue jeter 3 dés avec une difficulté de 4. Or, avec un tel jet, sa probabilité de réussite est 95,4%. Cela signifie qu’une fois sur vingt, cette personne, ce « monsieur tout le monde » ne parvient pas à changer sa roue. Pourquoi pas… Disons que ce résultat n’est pas aberrant. Gardons ce même individu à qui nous demandons à présent de réparer le moteur d’une épave. Cette action est évaluée à une difficulté de 8 (source : Loup-Garou : l’Apocalypse). Cette réparation a 53% de chances d’aboutir sur une réussite. Cet exemple fonctionne beaucoup moins bien que le changement de roue car imaginer qu’un novice en mécanique pas plus astucieux que la moyenne ait 53% de chance de parvenir tout seul à réparer un moteur d’épave est largement exagéré.
Gardons ce même type avec son astuce moyenne, mais qui fait une formation le rendant compétent en mécanique (3 points). Il jette maintenant 5 dés en tout. Changer une roue se fait bien dans 99,5% des cas. Ainsi, une personne formée en mécanique n’échouera le changement d’une roue qu’une fois sur 200. Cette proportion me semble raisonnable. On remarque que la formation a permis à notre personnage témoin de progresser dans cette activité relativement simple. Concernant le moteur de l’épave, on arrive sur des proportions plus cohérentes puisque ce monsieur compétent en mécanique répare avec succès dans 74,2% des cas. Cette proportion est relativement réaliste puisqu’il s’agit d’une activité très complexe et surtout incertaine, y compris pour un professionnel.

L’allure des distributions
Pour mieux se représenter la distribution des probabilités de réussite, nous avons réalisé deux graphiques :



Probabilité de réussite en ordonnée, difficulté en abscisse

Sur ce premier graphique, on constate que la compétence du personnage (c’est-à-dire le nombre de dés) n’a pas le même impact pour toutes les difficultés. Autrement dit, pour certaines difficultés, avoir une grande compétence ne change pas grand-chose. Par exemple, à difficulté 2, avoir 2 dés est suffisant pour presque s’assurer une réussite. Il en faut 3 pour l’emporter presque à tous les coups avec une difficulté de 3. Il y a à chaque niveau de difficulté une marge de compétence qui est équivalente en termes d’efficacité. Ainsi, avec une difficulté de 4, avoir 4, 5, 6, 7, 8, 9 ou même 10 dés ne fera (presque) pas de différence. 


Probabilité de réussite en ordonnée, nombre de dés en abscisse

Ce second graphique, selon moi plus parlant, nous permet de voir du premier coup d’œil que le choix de la difficulté d’un jet va avoir une influence d’autant plus forte que le personnage a peu de dés à jeter. Un personnage n’ayant qu’un dé à jeter verra ses chances de succès passer de 10% à 90% selon la difficulté. En augmentant progressivement la difficulté, on réduit cette influence de la difficulté pour arriver à 10 dés à 41% pour une difficulté de 10 et 100% pour une difficulté de 2. On note que pour une difficulté de 10, la courbe commence par descendre, ce qui sans entrer dans les détails s’explique par le fait que le 1 qui annule un succès est aussi probable que le succès pour chaque dé et qu'avec 2 dés, il faut réussir sans aucun "un" pour obtenir une réussite sur le jet, ce qui réduit le nombre de combinaisons gagnantes. Cependant, avec l'augmentation du nombre de dés, même à difficulté 10, la probabilité de réussite augmente.

Quelles leçons en tirer ?

Pour le MJ

Le MJ décide de la difficulté des jets qu’il réclame. Il devrait donc être conscient que ce choix ne va pas impacter tout le monde de la même manière. Tout d’abord, je considère que la difficulté de 10 devrait carrément être évitée à cause de son comportement statistique incohérent d’un point de vue simulationiste. Par ailleurs, il faut savoir que les valeurs proches des extrêmes sont les moins discriminantes alors que les difficultés moyennes mettent en exergue les différences de compétences.

Pour le joueur

Le joueur devrait quant à lui savoir (s’il veut optimiser ses caractéristiques) que globalement, à chaque nouveau point qu’il s’ajoute en plus du premier dans une caractéristique donnée, il s’assure de réussir presque tous ses jets pour un niveau de difficulté de plus (2 points pour difficulté 2, 3 pour difficulté 3 etc). Il devrait aussi prendre en compte le fait que les difficultés par défaut dans le monde des ténèbres sont fixées à 6, et qu’il aura donc 50% de réussite avec 1 dé alors que 3 dés le conduisent directement à 80% de réussite.

Sylvain
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...